Fiche synthétique sur le soutien aux détenu.e.s !

Que faire quand une personne proche est placée en détention ? La section francilienne de l’Anarchist Black Cross propose une fiche synthétique sur les actions à engager pour rester solidaires par-delà les murs. Cette fiche sera bientôt proposée en format brochure pour une diffusion numérique et papier. D’ici là, n’hésitez pas à nous contacter pour proposer des corrections et compléments ! Nous proposerons bientôt un guide complet à destination des proches de détenu.e.s.


Soutien aux personnes incarcérées

Que faire quand une personne proche est placée en détention ? Il n’est pas évident de savoir quelles démarches entreprendre pour rester en contact et apporter un soutien. Cette fiche synthétique donne des informations pour rester solidaires par-delà les murs.

S’organiser

Pour les proches de personnes détenues, la violence carcérale c’est entre autres de ne pas savoir comment fonctionne la prison. Et pour cause : le code de procédure pénale donne un cadre juridique à la détention, mais chaque prison possède son propre règlement intérieur. Et l’application de ce règlement est soumise à l’arbitraire du personnel pénitentiaire. Toutefois, pas de panique, il est possible de s’organiser. Voici les principales actions à engager lorsqu’une personne proche est incarcérée :

  1. Téléphoner au Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP – voir note 1) de la prison pour demander le numéro d’écrou de la personne détenue, ainsi que le nom du conseiller pénitentiaire d’insertion et de probation (CPIP) en charge de son dossier. On pourra par la suite téléphoner directement au CPIP pour (1) demander des nouvelles de notre proche, (2) demander que notre proche soit informé.e de l’échange téléphonique (une marque de soutien).
  2. Contacter l’association d’accueil des proches de la prison (voir note 2). Les bénévoles pourront vous renseigner souvent mieux que la prison (accès par les transports, modalités de dépôt d’affaires et de réservation de parloir, etc.)
  3. S’il n’y a pas d’association d’accueil des proches dans la prison où se trouve la personne détenue, contacter le service parloir (voir note 3) de la prison pour connaître les modalités de dépôt d’affaires et de réservation de parloir.
  4. Demander un permis de visite.
  5. Contacter certaines personnes liées à la personne détenue (employeur.e, etc.)
  6. Envoyer de l’argent (même peu).
  7. Apporter des affaires (vêtements, etc.)
  8. Envoyer un courrier (la première lettre est particulièrement importante comme marque de soutien).
  9. Contacter l’avocat.e de la personne détenue, son aide peut être utile. Vous pouvez aussi proposer à votre proche le nom d’un.e avocat.e de confiance.

Note : les coordonnées des services pénitentiaires présentés dans cette fiche sont disponibles sur le site web de l’Observatoire International des Prisons (https://oip.org/sinformer/etablissements/).

Le numéro d’écrou

Un numéro d’écrou est attribué à toute personne incarcérée, il est important de l’obtenir pour les démarches présentées ici. Pour ce faire, vous pouvez contacter le SPIP de la prison où se trouve votre proche. Le service du greffe judiciaire peut également vous donner l’information.

Déposer des affaires

Il est possible de déposer des affaires (vêtements, brosse à cheveux, chaussures, sandales pour la douche, serviette éponge, CD, DVD, livres, revues) hors des visites dans les conditions suivantes :

  • Pendant les 10 premiers jours de l’incarcération, il est possible de déposer des affaires sans permis de visite.
  • Passé ce délai, seules les personnes détentrice d’un permis de visite peuvent déposer des affaires (1 fois par mois généralement).

Dans les deux cas, les affaires doivent être mises dans un seul sac plastique (ex. sac de courses supermarché). Le nom, prénom et numéro d’écrou de la personne doivent être inscrits sur le sac. Un inventaire complet des affaires déposées doit être dressé.

Attention : le dépôt peut être limité à certains jours et horaires, et il est parfois nécessaire de prendre rendez-vous. On peut contacter le SPIP pour être informé.e des règles appliquées au sein de la prison.

A savoir : le règlement de chaque établissement est différent et précise les affaires non autorisées. Nous donnons ci-dessous les interdictions les plus courantes.

  • Tout vêtement pouvant être confondu avec un vêtement de sécurité (bleu marine, kaki)
  • Tout vêtement doublé, ou matelassé, ou muni de plaques métalliques
  • Capuche, cagoule, casquette, bob
  • Écharpe, cache cou, cravate
  • Ceinture
  • Chaussures munies de structure métallique
  • Peignoir, robe de chambre
  • Couette, drap de lit, oreiller, serviette de plus de 1m20
  • Nourriture, tabac, médicaments et produits pharmaceutiques
  • Matériel audiovisuel et informatique, CD et DVD inscriptibles
  • Valeurs pécuniaires

Envoyer de l’argent

En prison, le coût de la vie s’élève à 200€/mois minimum. L’administration pénitentiaire distribue gratuitement deux repas et une collation par jour, mais les quantités sont souvent insuffisantes et la qualité de la nourriture médiocre et déficiente en produits frais. Un kit d’hygiène est fourni à l’arrivée en prison, mais il n’est pas toujours renouvelé. Pour l’entretien des cellules, des produits de nettoyage doivent être fournis mais leur distribution est parcimonieuse.

Pour soutenir financièrement une personne incarcérée, l’argent doit lui être envoyé par virement bancaire sur le compte de l’établissement. Pour obtenir le RIB de l’établissement, il faut contacter la “régie des comptes nominatifs” de l’établissement.

Attention : il faut compléter l’ordre de virement avec le numéro d’écrou, le nom, le prénom de la personne incarcérée.

Courrier, téléphone et parloir

Note sur les personnes mises en examen et placées en détention provisoire. Le juge d’instruction peut imposer une “interdiction de communiquer” pour une période de 10 jours, mesure renouvelable une fois. Sur cette période, la personne ne peut recevoir aucune visite, elle ne peut pas non plus téléphoner, écrire, recevoir du courrier. L’interdiction de communiquer ne s’applique pas à l’avocat. On peut donc passer par lui pour échanger des informations avec la personne détenue.

Pour écrire aux personnes détenues

Sur l’enveloppe, notez le nom et le prénom de la personne, son numéro d’écrou suivi de l’adresse de la prison. Au dos de l’enveloppe, n’oubliez pas d’indiquer vos nom, prénom et adresse. L’envoi de timbres, enveloppes, feuilles, photographies, articles de presse, dessins ou images est possible. Vous trouverez des conseils sur l’écriture aux personnes détenues sur le blog de notre collectif (https://parisabc.noblogs.org) dans la rubrique « Écrire aux détenu.e.s ».

Attention : l’administration pénitentiaire contrôle toutes les correspondances. Elle peut aussi bloquer le courrier. À ce contrôle s’ajoute, pour les personnes détenues prévenues, celui du magistrat en charge de la procédure (juge d’instruction, procureur de la république).

Téléphone

Les personnes détenues ne peuvent pas recevoir d’appels. En revanche, elles sont autorisées à passer des appels téléphoniques depuis la prison, dans les conditions suivantes :

  • Arrivée en détention : les personnes détenues qui arrivent dans un établissement bénéficient d’un appel gratuit à la personne de leur choix (5mn de conversation en métropole). Le bénéfice de cet appel gratuit concerne également les personnes ré-écrouées dans un nouvel établissement suite à un transfert.
  • Par la suite, les personnes détenues condamnées doivent solliciter une autorisation de téléphoner auprès du chef de l’établissement (par écrit en communiquant une liste de correspondant.e.s). Les personnes détenues prévenues (en attente de leur jugement) doivent solliciter l’autorisation de téléphoner auprès du magistrat en charge de la procédure.
  • Régime général : les personnes détenues ont à leur charge le coût des communications téléphoniques. Le coût moyen est de 70€/mois pour 20mn d’appel quotidien. Il faut noter que la fréquence, la durée des communications et les créneaux d’accès au téléphone sont fixés par le règlement intérieur de la prison.
  • En quartier disciplinaire : à l’exception des appels passés à l’avocat qui ne peuvent être restreints, la fréquence est limitée à un appel tous les 7 jours.

Attention : toutes les communications avec les proches peuvent être écoutées, enregistrées et interrompues par le personnel pénitentiaire. En pratique, certaines personnes détenues font l’objet d’une écoute et d’un enregistrement systématiques de leurs conversations.

Demander un permis de visite

Toute personne détenue peut recevoir des visites à certaines heures au parloir de la prison. Les personnes souhaitant visiter la personne détenue doivent demander un permis de visite, qui peut toujours être refusé. Les modalités de la demande sont présentées sur le site web de l’Observatoire International des Prisons (https://oip.org/fiche-droits/le-droit-de-visite/).

Si la réponse est positive, on reçoit un courrier type sur l’accès au parloir et le dépôt de affaires, ainsi qu’une carte d’accès à la prison. En cas de refus ou d’absence de réponse, on peut engager différentes démarches présentées sur le site web de l’Observatoire International des Prisons (https://oip.org/fiche-droits/le-droit-de-visite/).

Demander un parloir

  1. Le règlement intérieur de chaque prison fixe les modalités de réservation des parloirs, qui peut s’effectuer par téléphone, à la porte d’entrée de l’établissement ou par le biais de bornes informatiques (le plus souvent installées dans le local d’accueil des familles).
  2. Le délai et les créneaux de réservation varient selon les prisons. Les réservations sont généralement possibles au cours des 15 jours précédents.
  3. Le temps d’attente au téléphone est parfois long. Dans certains cas, il s’agit d’un numéro vert gratuit.
  4. Le nombre maximum de personnes admises à visiter ensemble une personne détenue est défini par le règlement intérieur de la prison. En parloir ordinaire, il est généralement de 3 adultes ; ou 2 adultes et 1 ou 2 enfants ; ou 1 adulte et 3 enfants.
  5. Le nombre de visites hebdomadaires autorisées dépend du statut de la personne détenue :
  • Les personnes détenues prévenues ont droit à 3 visites hebdomadaires.
  • Les personnes condamnées ont dans tous les cas droit à au moins 1 visite hebdomadaire.

Informations générales sur les visites au parloir

  • Durée des visites :
    • En établissements pour peine, la durée est d’au moins 1h. Dans certains cas, il est possible d’obtenir un parloir prolongé : la personne détenue doit en faire la demande par courrier auprès du chef de l’établissement, du sous-directeur ou du chef de détention. Les critères généralement pris en compte sont l’éloignement du domicile du visiteur, la faible fréquence des visites et le lien de parenté. Mais ces autorisations ne sont pas toujours accordées et les conditions d’octroi sont relativement opaques.
    • En maison d’arrêt, la durée est généralement de 30mn. Elle peut être d’1h sur autorisation particulière du chef d’établissement, pour les personnes venant de loin.

A savoir : il faut être en possession d’une pièce d’identité, et en cas de retard le parloir vous sera refusé. Prévoyez donc d’arriver très en avance. Les poussettes sont interdites…

Attention :  il faut passer sous un portique de détection de métaux et se soumettre éventuellement à un détecteur manuel, sauf contre-indication médicale attestée par un certificat (personne porteuse d’un pacemaker ou d’une prothèse, par exemple).  Une « palpation de sécurité » peut être effectuée par le personnel pénitentiaire, un refus a pour conséquence d’empêcher l’accès au parloir. Des opérations de contrôle de police judiciaire sont parfois réalisées, dont l’objet principal est la recherche de stupéfiants.

  • Seules les bouteilles scellées en vente au distributeur de l’accueil famille sont acceptées.
  • Il est interdit de faire entrer tout objet au parloir (nourriture, boisson, tabac, téléphone, argent, etc.) Les photos et certains documents peuvent être autorisés. C’est à l’appréciation du personnel pénitentiaire…
  • Les personnes détenues sont systématiquement soumises à une fouille par palpation et/ou à nu avant et après chaque parloir.
  • Les conversations au parloir peuvent être écoutées.

Comment se comporter avec la personne incarcérée ?

Même si vous en avez très envie, évitez les reproches. La personne incarcérée a besoin de votre soutien, ce n’est pas le moment de critiquer ses choix, même si vous les trouvez discutables.

Ne la mettez pas en difficulté en demandant des aveux, des explications ou des détails sur l’affaire, surtout si le procès n’a pas encore eu lieu. Vous la mettriez alors en danger. N’oubliez jamais que vos communications sont surveillées.

Demandez-lui son avis concernant les décisions du quotidien la concernant de près ou de loin. Cela l’aidera à conserver un pied à l’extérieur et rendra sa sortie de prison moins violente.

Demandez-lui son avis concernant les démarches de soutien, d’organisation de la solidarité (publication d’information, caisses de soutien, campagnes de solidarité, collectifs impliqués). Vous pouvez essayer de la convaincre, mais acceptez toujours ses choix et transmettez-les fidèlement aux autres personnes concernées.

Si vous vous sentez en difficulté, épuisé.e, en colère ou perdu.e, n’hésitez pas à vous tourner vers les groupes de soutien ou anti-carcéraux de votre choix (ABC, Génépi, caisses ou comités de soutien, etc.)

Bonus

Un moyen particulièrement vivant de communiquer avec la personne détenue est le « parloir sauvage » : il s’agit de communiquer par dessus les murs de la prison lorsque la personne détenue se trouve en cour de promenade ou dans sa cellule. Cette pratique assez répandue dépend cependant de la configuration de la prison. Aussi, le parloir sauvage est un délit pour lequel on risque la garde à vue et éventuellement le tribunal : la prudence est donc de mise ! Évitez de crier des noms de famille, pensez aux voies de fuite en cas de patrouille de la police, etc.

Des proches de personnes détenues organisent également des feux d’artifices devant les prisons, à l’occasion d’une fête ou simplement pour montrer une solidarité. Cette pratique est également un délit, il faut donc prendre en compte les risques et bien s’organiser.

Notes

  1. Service Pénitentiaire d’Insertion et de Probation (SPIP) : service de l’administration pénitentiaire constitué majoritairement de conseillers pénitentiaires d’insertion et de probation (CPIP), personnes assurant le suivi individuel des personnes détenues selon différentes modalités : aide au maintien des liens familiaux, demandes d’aménagement de peine au juge de l’application des peines, etc.
  2. Accueil famille : on trouve souvent dans les prisons un local d’accueil des proches de personnes détenues (généralement situé devant l’entrée de la prison). Ces locaux sont généralement animés par des associations dont les bénévoles assurent une activité d’écoute, de soutien et d’information. Pour savoir s’il existe une telle structure, vous pouvez vous renseigner auprès de l’Uframa, structure réunissant toutes les associations d’accueil (uframa.org/).
  3. Service parloir : service de l’administration pénitentiaire à contacter par téléphone pour réserver un parloir après obtention du permis de visite. Selon la prison, la réservation des parloirs peut aussi s’effectuer à la porte d’entrée de l’établissement ou par le biais de bornes informatiques (le plus souvent installées dans l’accueil famille).