Un atelier pour Andreas

Mise-à-jour le 13 janvier 2020

Nous étions nombreu.ses/x et créati.ves/fs à l’atelier d’écriture aux détenu.es du dimanche 5 janvier. Ce sont trois grandes enveloppes pleines à craquer de lettres, mots, dessins, poèmes et planches de bandes dessinées qui sont parties vers Naples et qui porteront un peu de notre solidarité à notre compagnon Andreas Krebs (notre article sur sa situation ici ; le blog de son groupe de solidarité ici). Nous n’avons malheureusement pas encore pu détruire les murs des prisons, mais cette photo de solidarité les traversera, nous l’espérons.

Liberté pour tou.tes les prisonnier.es !
Solidarité maintenant avec Andreas !


 

Tout système pénal possède un arsenal de sanctions, et parmi ces sanctions la peine de prison crée particulièrement des souffrances. Si les critiques à l’encontre de la police et de la justice s’amplifient, la question de la prison demeure malheureusement sous-traitée. Une conséquence directe est le faible niveau de solidarité s’exprimant en direction des personnes détenues. Nous publions également ce texte sur paris-luttes.info.


Andreas Krebs, prisonnier rebelle et solidaire, a tenté de mettre fin à ses jours. Nous organisons un atelier d’écriture aux détenu.e.s le 5 janvier et souhaitons lui consacrer. L’écriture est une façon accessible de briser l’isolement carcéral, de créer des liens, de montrer que, dehors, nous sommes solidaires. Ecrire aux prisonnier.es est toujours une urgence. Parfois, cela semble encore plus nécessaire que d’habitude. C’est le cas pour nous ce dimanche.

Andreas Krebs a été condamné en 2018 à 24 ans de prison pour le meurtre de son ex-employeur, et pour sa proximité avec la RAF. Andreas est enfermé à Naples et souffre d’un cancer des reins. L’annonce de sa tentative de suicide par son groupe de soutien ici (traduction ici ) a provoqué en nous beaucoup de peine et de colère. Parce que c’est Andreas, qu’il est notre compagnon, mais aussi parce que si ce n’était pas lui, ce serait un.e autre prisonnier.e. “Cette fois, c’est Andreas”, comme le rappelle son groupe de soutien : cette fois, c’est notre compagnon qui a tenté de mettre fin à ses jours, mais les suicides et tentatives de suicide en prison sont constants et systématiquement passés sous silence.

L’objet des prisons : produire de la souffrance

La peine de prison est loin de se limiter à une entrave à la liberté d’aller et de venir. Le souci pour la dignité et l’intégrité des personnes s’arrête à la porte des prisons. La peine de prison dépersonnalise et désocialise les personnes qui la subissent. Elle prive de relations sociales importantes et impose des conditions de vie indignes. Dans les prisons françaises, on compte en moyenne un décès tous les deux jours, principalement par suicide. En 2017, 103 personnes incarcérées se sont suicidées, 131 se sont suicidées en 2018. Le taux de suicide est 6 fois plus élevé en prison que dans la population générale – autant d’ami.es, de compagnon.nes, de frères et de soeurs que les prisons et leur monde nous ont pris.

Dans les CRA, les lieux d’enfermement psychiatrique, les maisons d’arrêt (voir note 1) et les établissements pour peine (voir note 2), on ne voit parfois comme seule issue que la tentative de suicide.

Que ce soit pour éviter une expulsion, pour abréger des souffrances physiques intolérables, comme celles d’Andreas, ou pour mettre un terme aux souffrances psychiques : quelles que puissent être les raisons de la tentative de suicide, la coupable, c’est la taule.

Soin médical dégradant

En 2006, la Commission européenne de Prévention de la Torture (CPT) a réalisé des visites dans les prisons françaises et dénoncé un soin médical perverti et dégradant. Les personnes détenues présentant des états de souffrance mentale aiguë sont placées dans des cellules d’isolement, traitées sous contrainte, obligées de rester nues en cellule et soumises à un contrôle visuel régulier du personnel pénitentiaire. Pour la CPT, cette situation s’apparente à un traitement inhumain et dégradant. Les personnes atteintes de maladies graves, comme Andreas, se voient généralement refuser les soins nécéssaires : en clair, on les laisse d’abord souffrir, puis mourir.

S’évader mentalement pour mieux faire face

Toutes les personnes détenues peuvent écrire et recevoir des lettres, sans limitation quant à la longueur des écrits ou à la fréquence des lettres. En détention, recevoir du courrier est important pour tenir moralement. C’est une marque de soutien et un lien avec l’extérieur. Le courrier signale également à l’administration pénitentiaire et aux maton.nes que la personne n’est pas isolée : c’est important si elle subit (ou est susceptible de subir) des violences, comme par exemple, dans le cas d’Andreas, le refus de soins vitaux.

Il y a mille manières de lutter contre la taule : ce dimanche 5 janvier, luttons ensemble en écrivant. Recevoir une lettre donne du courage, et parfois même la force de continuer à se battre encore un peu. Une lettre permet de s’évader des quatre murs. Une lettre permet, pour quelques instants, de ne plus être aussi seul.e. Alors écrivons !

Des adresses, un atelier d’écriture

Pour favoriser l’écriture aux personnes en détention, la section francilienne de l’Anarchist Black Cross (ABC) met à disposition sur son blog des adresses de personnes incarcérées souhaitant recevoir du courrier ainsi que des conseils pour l’écriture.

Aussi, l’ABC Paris-IDF organise chaque mois un atelier d’écriture aux personnes incarcérées. L’ambiance y est chaleureuse et vivante. On valorise la diversité des pratiques pour permettre à chacun·e de s’exprimer selon ses envies : carte postale, écriture individuelle, mais aussi collective, dessin, découpage, etc. On propose notamment d’écrire collectivement aux dos d’affiches jolies et subversives. On peut aussi frotter des cartes postales avec de la cannelle, glisser des paillettes dans les enveloppes, etc.

Le prochain atelier aura lieu le dimanche 5 janvier 2020 (13h-17h) au Centre Social Autogéré de la Parole Errante (Montreuil).

Ce sera notamment l’occasion de montrer à Andreas Krebs que nous sommes avec lui, et à l’administration pénitentiaire qu’il n’est pas seul.

Sortons le grand jeu : nous vous appelons à venir armé.es de fleurs, de feuilles, de parfums, de confettis, d’images à découper, de poèmes, de sable, de paillettes, de couleurs, de plumes, de gommettes, d’autocollants, de papier de couleur, de photos, de cartes postales, de journaux, de tout ce qui vous semblera beau.

L’objectif : envoyer plusieurs enveloppes surchargées à Andreas. Il parle allemand, italien et anglais, mais nous saurons dépasser les barrières linguistiques pour lui montrer notre solidarité. Andreas s’intéresse particulièrement à la philosophie et aux motos, il apprécie également les énigmes.

Nous mettrons également à disposition une boîte à dons pour Andreas. L’argent récolté lui sera envoyé pour l’aider à payer ses médicaments, ses examens médicaux et de la nourriture appropriée.

Si tu ne peux pas venir ce dimanche mais que tu souhaites soutenir Andreas, va faire un tour sur notre article. Tu y trouveras sûrement de quoi faire.

Chaque mort en prison est un meurtre, chaque tentative de suicide en prison est une tentative de meurtre ! Solidarité avec Andreas et avec tou.tes les détenu.es de tou.tes les prisons !

Notes

[1] Lieu d’enfermement des personnes prévenues (en attente de leur jugement et mise en « détention provisoire ») et des personnes condamnées à une peine inférieure ou égale à 2 ans. Les maisons d’arrêt regroupent la majorité de la population carcérale (plus de 67 %) avec un taux moyen d’occupation de 140% (au 1er janvier 2019). Bois d’Arcy, Fleury-Mérogis, Fresnes, Nanterre, Osny-Pontoise, Versailles et Villepinte sont des maisons d’arrêt.

[2] Ces établissements regroupent les maisons centrales et les centres de détention. On y enferme les personnes condamnées à des peines supérieures à 2 ans. Les maisons centrales enferment les détenu.es jugé.es « difficilement récupérables » pour l’État. Les dispositifs de sécurité y sont les plus renforcés. Poissy est une maison centrale. Les centres de détention enferment les détenu.es jugé.es « récupérables » pour l’État. Ces établissements sont « orientés vers la resocialisation ». Melun est un centre de détention.